ISR : la dérive de l’industrie financière

Paris, le 14 janvier 2019

Investissement Socialement Responsable (ISR) : trois chercheurs dénoncent une dérive de l’industrie financière

Existerait-il une différence entre ce qui est dit (de jure) et ce qui est réellement fait (de facto) ? Trois chercheurs de l’Initiative de Recherche « Gestion du Risque et Stratégie d’Investissement », une initiative jointe de l’Institut Louis Bachelier et insti7, se sont penché sur la question en étudiant le marché de l’Investissement Socialement Responsable (ISR).

« Cette étude plaide pour une meilleure régulation du marché de l’ISR. »
Prof. Dr. Bertrand Candelon

L’ISR est un « concept polymorphe et parfois difficile à appréhender » selon un rapport de l’Autorité de Marchés Financiers (AMF) publié en 2015. Dans le document de travail publié par le Center for Operations Research and Econometrics (CORE) de l’Université Catholique de Louvain (Belgique), l’équipe de recherche montre qu’il existe une différence significative entre le positionnement ISR d’un fonds commun de placement (marketing de la société de gestion ou label délivré par un tiers) et les investissements effectivement réalisés (les actifs détenus au sein du portefeuille).

L’étude, basée sur une méthodologie économétrique innovatrice (panel non linéaire) et une base de données unique, met donc en garde les investisseurs sur cette dérive de l’industrie financière. Mais les chercheurs vont plus loin: si la catégorisation des fonds conventionnels / ISR est biaisée, qu’en est-il du débat portant sur l’impact de l’ISR sur la performance ?

Il existe une différence entre ce qui est dit et ce qui est fait en matière d’ISR. Cette dichotomie s’ajoute à la problématique de définition de la finance responsable, renforçant ainsi l’asymétrie d’information sur ce marché. De plus, nos résultats relancent le débat sur l’impact de l’ISR sur la performance financière. »
Dr. Jean-Baptiste Hasse

Ici encore les chercheurs font mouche en montrant que l’ISR de jure n’a pas d’impact significatif sur la performance financière. En revanche, l’ISR de facto a un impact négatif et significatif sur les performances des fonds. Conformément à la théorie financière (et au bon sens), il ne coûte rien de seulement dire que l’on investit de manière responsable. Cependant, investir en suivant une éthique induit une pénalité sur la performance financière car cela revient à rajouter une contrainte extra-financière à la gestion.

« Pour apporter davantage de transparence aux investisseurs, le marché des fonds ISR nécessiterait que les pouvoirs publics améliorent les standards en vigueur, en développant les notations éthiques par des organismes indépendants. »
Quentin Lajaunie

La conclusion des chercheurs est sans appel: les investisseurs particuliers et institutionnels doivent se méfier des apparences. Marketing ou labels ne riment pas forcément avec éthique.